Que deviendra la Birmanie après les élections? La réponse se cache dans l'alignement des étoiles, la géométrie sacrée ou les flammes occultes des rituels de magie noire, à en croire les devins du pays, où le surnaturel est encore profondément ancré.
Depuis que la junte militaire au pouvoir a annoncé la tenue de législatives, à partir du 28 décembre, de nombreux clients de l'astrologue Linn Nhyo Taryar partagent les mêmes doutes.
"La question que la plupart des gens posent est claire : quand les choses iront-elles mieux en Birmanie?", dit-il à l'AFP.
L'armée présente le scrutin à venir comme une tentative de réconciliation dans un pays miné par la guerre civile depuis son coup d'Etat en 2021. Mais les observateurs internationaux y voient une manoeuvre pour légitimer le régime militaire.
Le verdict des urnes, attendu pour fin janvier, est incertain. Et sera peut-être influencé par le "Yadaya", un ensemble de rituels censés orienter le destin.
"Les gens en difficulté se tournent vers la divination et le Yadaya pour y puiser force et croyance", avance Linn Nhyo Taryar. "Ce que les gens veulent vraiment, c'est un avenir sûr et serein".
Le parcours de l'astrologue de 30 ans n'a lui jamais été tout à fait sûr ni serein.
Lorsque des manifestations ont éclaté après le coup d'Etat -- qu'il affirme avoir prévu --, il a lancé une malédiction contre le chef militaire Min Aung Hlaing, et appelé sur les réseaux sociaux d'autres confrères à en faire de même.
Un rituel pratiqué à l'aide de bougies et de couteaux disposés en étoile lui a valu deux ans dans la tristement célèbre prison d'Insein à Rangoun.
Il vit depuis sa sortie en exil à Bangkok, en Thaïlande, et communique en ligne avec ses clients restés en Birmanie, dont la culture est profondément influencée par un surnaturel teinté de bouddhisme.
Les chiromanciens sont nombreux autour des pagodes, des apprentis alchimistes tentent de transformer le mercure en or et des compagnies de téléphonie font la publicité de voyants joignables par téléphone.
"Ils traitent une multitude de problèmes", explique Thomas Patton, enseignant à l'Union College de l'Etat de New York, qui a étudié le mysticisme birman. "Je pense que c'est lié au manque de développement du pays. Il n'y a pas grand-chose d'autre sur quoi s'appuyer".
"Vous avez d'un côté tout un paysage d'incertitude et de vulnérabilité, et de l'autre cette combinaison millénaire de sorts, de remèdes et de savoir occulte, qui s'est infiltrée dans la conscience birmane", poursuit-il.
La politique n'échappe pas aux croyances ancestrales. L'ancien dirigeant militaire Ne Win a décidé, sur des conseils astrologiques potentiellement mal interprétés, que le sens de circulation passerait de gauche à droite.
Numérologue passionné, il a émis en 1987 une nouvelle monnaie en coupures de neuf, un chiffre considéré comme porte-bonheur, mais déroutant pour les consommateurs.
L'actuel leader Min Aung Hlaing, qui pourrait le rester à l'issue des élections, sous un régime civil, a lui aussi la réputation de suivre des superstitions secrètes.
L'horoscope le plus populaire du pays prédit que les personnes nées un mardi sous le signe du lion -- comme Min Aung Hlaing et l'ancienne dirigeante emprisonnée Aung San Suu Kyi -- prospèreront dans l'adversité.
"Ils devraient être en bonne santé et obtenir des privilèges", indique l'horoscope, qui conseille de déposer du riz au beurre sur un autel dédié au Bouddha.
"Le potentiel de la Birmanie est intéressant pour l'année à venir", affirme de son côté Min Thein Kyaw depuis Rangoun en s'appuyant sur des cartes d'astrologie gitane.
"Mais pour qu'une prédiction réussisse pleinement, trois facteurs doivent s'aligner : le temps, le lieu et l'individu", nuance le septuagénaire face à la "période difficile" que connaît le pays.
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